Culture

Suite Armoricaine et son univers proustien

« Suite Armoricaine », qui a remporté le PRIX FIPRESCI au Festival International du Film de Locarno en 2015, est un film dramatique dans lequel rêverie et rêve se mélangent à la réalité, lui conférant une dimension presque idyllique.

Un titre qui invite à réfléchir

Le titre, est déjà symbolique: le mot « SUITE » renvoie d’une part à la dimension du temps (sujet qui parcourt toute l’histoire) qui avance petit à petit pour passer à la suite … et d’autre part à la SUITE au sens musical du terme qui est également très présente dans le film.

De plus le mot « ARMORICAINE » joue sur le relief du Nord de la Bretagne en soulignant l’importance de l’identité régionale qui imprègne la Bretagne et y est omniprésente alors qu’elle a désormais  disparu dans presque tout le pays.

L’angoisse, la fuite, les rêves prémonitoires et enfin un passé qui resurgit

Le film montre des personnages en transition : d’un côté Françoise (une sorte d’alter ego autobiographique de la réalisatrice Pascale Breton), qui quitte sa vie parisienne pour retrouver ses origines et repères dans la ville de Rennes où elle a vécu son enfance et sa jeunesse .

De l’autre, Ion qui tente de fuir son passé et qui se prépare à s’évader de son présent rennais en se familiarisant avec les cartes de géographie pour mieux comprendre le monde physique qui l’entoure afin de trouver une porte de sortie mais aussi paradoxalement pour y trouver un éventuel abri.

Bien qu’elle semble enthousiaste de se « reconnecter » à son passé, au début, la transition pour Françoise est loin d’être facile :  ses rêves cryptiques qui se succèdent sous forme de cauchemars et dans lesquels apparaît systématiquement un sphinx qui pleure marquent bien cet aspect.

À cet égard, il est intéressant de remarquer que le rapprochement à ses racines identitaires bretonnes finit même par plonger la protagoniste dans une crise « existentielle ». Il s’agit d’un passage-clé du film car c’est le moment où elle reprend effectivement contact avec le passé. Lorsqu’elle est interviewée à l’Institut d’études bretons, elle éclate en sanglots parce que les images et les souvenirs de son grand-père guérisseur remontent à la surface.

L’art comme forme de guérison

Lorsqu’elle a quitté sa terre natale, Françoise a trouvé refuge dans l’art du 18ème siècle qu’elle enseigne à ses élèves. Les tableaux qu’elle projette sur un écran géant donnent l’impression que Françoise a mis son rêve breton en pause (réelle Arcadia avec ses rituels, sa nature et sa langue) pour se glisser  à l’intérieur et essayer de le déconstruire afin de le rendre réalisable.

En fait, la dimension onirique est fortement marquée par la double répétition de certaines scènes vues de différents points de vue.

Ce n’est pas un hasard si le premier tableau qu’elle montre au cours de sa première leçon est celui de Nicolas Poussin intitulé « Et in Arcadia Ego » et si elle prononce les mots suivants: « Moi aussi j’étais en Arcadie, métaphore de tous les paradis terrestres. »       

De plus, l’art enseigne que toute tentative de suppression des souvenirs devient provisoire au moment où un symbole ou une correspondance sont capables de tout faire resurgir .

Par exemple, il suffit d’un zoom sur les arbres du paysage breton pour faire apparaître la porte de la maison de Françoise ou son grand-père guérisseur.

L’art joue donc un rôle très important, c’est pourquoi le film s’ouvre sur un tableau de Paolo Uccello intitulé Arcadia.

La musique, fil conducteur de l’histoire

Tout comme l’art, la musique a également un rôle a joué : facteur de définition et réunification des rapports entre les personnages, elle résulte plus fort que l’oubli. John, ami d’enfance de Françoise n’a jamais arrêté de jouer et ses amis n’ont jamais arrêté de l’écouter.

La musique représente un autre élément autobiographique: Pascale Breton et Françoise ont traversé toutes les deux la même époque et côtoyé durant leurs études la culture  bretonne et la scène rock rennaise des années 80.

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